La condescendance française doublée des jérémiades humiliantes de la France coloniale de Macron ont–t-elle définitivement classé au rang de reliques la françafrique des Foccart et des Bourgis, hier si joyeuse ? Pour sûr la machine est enrayée et plus rien ne semble résister à l’éveil africain soutenu par le pragmatisme russe du Poutine
Drapeaux tricolores brûlés, ambassades françaises attaquées, bases militaires conspuées avec des slogans « A bas la France ! MACRON DEGAGE », presse française censurée. Comme résultat de ce casting tumultueux, en moins de deux ans la France, ses militaires mais aussi ses diplomates, ont été expulsés du Burkina Faso, du Mali puis du Niger. A l’opposé, on a le brandissement de drapeaux russes, l’encensement de la Russie avec les slogans « VIVIE LA RUSSIE ! Vive Poutine », la présence prononcée d’instructeurs et militaires russes et le renforcement de la coopération Sahelo-Russe.
En résumé, la Russie se positionne progressivement au Sahel où la France a connu un cuisant échec militaire, politique et diplomatique. On est tenté de s’interroger sur l’entichement abrupte de la Russie par les anciennes colonies de la France et la conspuation du tuteur historique.
En effet, la foire d’autovictimisation d’Emmanuel et Macron et son refus d’assumer positivement le passif colonial de la France, pour anticiper ou ramollir cette désaffection généralisée, peuvent contribuer à l’expliquer.
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En Novembre 2020 déjà, Emmanuel Macron lors d’une interview à Jeune Afrique désigne la Russie et la Turquie comme les responsables du développement du sentiment-antifrançais. Selon lui, leurs stratégies est de jouer sur le ressentiment post-colonial en « stipendiant ceux qui donnent de la voix, qui font des vidéos, qui sont présents dans les médias francophones ».
En outre, du 25 au 28 juillet 2022, Emmanuel Macron se déplace au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau. L’objectif de ce déplacement, selon l’Elysée, est de réaffirmer « l’engagement du président dans la démarche de renouvellement de la relation de la France avec le continent africain ». Lors d’une conférence de presse conjointe avec Paul Biya, le 26 Juillet, Emmanuel Macron déclare que « la Russie a beaucoup diffusé des fausses informations sur le sol africain, avec des officines comme Russia Today ou Sputnik ». Un mois plus tard, il effectue une visite officielle en Algérie. Au deuxième jour, le vendredi 26 Août 2022, il accuse la Chine, la Russie et la Turquie de répandre une propagande anti française en Afrique par « l’immense manipulation de réseaux téléguidés en sous-main » Il enfonce le clou en avançant qu’ils ont « un agenda d’influence néocolonial et impérialiste ».
A Djerba, en Tunisie, s’est tenu les 19 et 20 novembre 2022, le 18è sommet de la francophonie. En marge de cette édition, Emmanuel Macron, appelé par TV5 monde à se prononcer sur l’idée selon laquelle la France abuse des liens historiques et économiques avec ses anciennes colonies pour servir ses intérêts, avance : « Cette perception, elle est alimentée (…) par d’autres, c’est un projet politique. Je ne suis pas dupe, beaucoup d’influenceurs, y compris parfois des gens sur vos plateaux, sont payés par les Russes. On les connaît. »
Macron pose la France en victime jalousée à tort par les Russes et les Turques qui dépensent des fortunes pour ternir son image. Parallèlement, cette victimisation de Macron est empreinte d’inconsidération choquante des Etats africains. Elle les réduit à ‘‘des pantins incapables de déceler les pratiques affabulatrices ourdies par la Russe pour les exploiter’’. La France vient donc ‘’ sortir, voire délivrer, les Africains qui se sont naïvement laissés obnubilés par les pratiques appâteuses des entrepreneurs néocolonialistes et impérialistes’’.
L’inélégance de ces propos victimaires d’Emmanuel Macron, frise le mépris envers les Etats africains et leurs intelligentsias. Les dirigeants africains sont publiquement présentés comme des décideurs qui collaborent, de façon moutonnière avec la Russie, sans aucune démarche dialectique. L’indignation de Serguei Lavrov, chef de la diplomatie Russe ne contredit pas cela : « On pourrait s’attendre à des déclarations plus éthiques de la part des Français… c’était plutôt offensant pour les Etats africains qui continuent, malgré tout, à développer systématiquement des relations avec la Fédération de Russie »
Malheureusement, dans la conception macronienne, la France demeure l’innocente tandis que les autres incarnent le mal. Dans ce sens, tout analyste ou individu qui émet des réserves objectives sur la politique africaine de la France est immédiatement étiqueté de « Pion de la Russie, de la Chine ou de la Turquie ».
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Pourtant, la responsabilité de la France dans la détérioration de ses relations avec ses ex colonies est proéminente. A tout le moins, une introspection diplomatique réaliste de la gestion de son héritage colonial serait plus féconde pour la France que la diabolisation des autres pays. Dans ce sens, pour Tanju Bilgic, Ministre des affaires étrangères de la Turquie, « si la France est d’avis qu’il y a des réactions contre elle sur le continent africain, elle devrait chercher la source de ces réactions dans son propre passé colonial et dans ses efforts pour poursuivre encore ces pratiques à travers les méthodes différentes, et elle devrait essayer de les réparer ». Puis de préciser : « Nous espérons que la France atteindra le plus rapidement possible la maturité nécessaire pour faire face à son propre passé colonial sans accuser d’autres pays, y compris le nôtre ».
Au lieu d’introspecter son langage d’infantilisation envers les colonies et de questionner la présence imposée de ses bases militaires qui créent plus de problème qu’elles n’en résolvent, Macron préfère diaboliser ses paires. Poursuivant, le 1er Septembre 2022, il demande aux ambassadeurs réunis à l’Elysée d’être « beaucoup plus agressifs » pour « casser un narratif russe, chinois ou Turc » qui distille aux africains que « la France est un pays qui fait de la néo-colonisation et qui installe son armée sur leur sol ». Trois mois plus tard, Christina Colonna, la Ministre française des Affaires étrangères en visite à Abidjan le vendredi 9 et samedi 10 décembre, donne l’exemple sur France 24. Elle avance que « le sentiment anti-français n’est que la résultante d’actions de désinformation, de contre-vérités, de propagande de manipulation », de la Russie.
Au lieu de questionner ses indignations sélectives face aux coups d’Etats, ou d’exorciser son silence complice voire coupable face aux tripatouillages constitutionnels létaux pour prolonger les mandats, Emmanuel Macron estime que les Africains se laissent berner. Au lieu d’accepter le toilettage des différents accords léonins datant des indépendances, qui imposent par exemple à ses entreprises exerçant en Afrique de payer leurs impôts au trésor français, l’Elysée macronienne est préoccupée à imposer à l’Afrique une culture LGBT antipodique à ses valeurs culturelles. Pourquoi donc s’étonner de l’enchantement de Poutine dans l’imaginaire des Africains quand ce dernier, à l’opposé, célèbre la famille hétérosexuelle et ne se permet de leur imposer l’homosexualité sous peine d’un arsenal de sanctions ?
En somme, l’Afrique demeure un marché vaste dans lequel Emmanuel Macron a cru pouvoir pérenniser l’hégémonie de la France dans ses ex colonies en infantilisant les dirigeants Africains avec des jérémiades russophobes. En face, La Russie a été pragmatique et a saisi l’opportunité en surfant sur les ressentis des sahéliens, excédés par l’ingérence méprisante et contreproductive d’Emmanuel Macron, pour pénétrer le marché du « pré carré français ».
Coulibaly Amani