L’Association Nationale des Producteurs de Café-Cacao de Côte d’Ivoire (ANAPROCI) n’est pas contente du prix d’achat du kilogramme du cacao aux producteurs, et elle le fait savoir. Malheureusement la Conseil Café Cacao reste sourd. Dans le même temps, le CCC fait mains et pieds pour satisfaire les négociants locaux, proches du RHDP, qui se plaignent des traders internationaux qui surpayeraient de 20 à 35 F CFA le prix du kilogramme (soit 1920 à 1935f ) dans les ports.
Une fois n’est pas coutume. Mais une fois, deux fois et trois fois…devient une habitude, donc une norme pour le Conseil café cacao (CCC) et son Directeur Général, Yves Brahima Koné. Lesquels semblent avoir pris fait et cause pour les négociants nationaux, pour qui tout est urgent, au détriment des producteurs nationaux qui sont obligés de faire contre mauvaise fortune bon cœur.
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En effet de tous temps, c’est le cœur meurtri que les cacaoculteurs ivoiriens, dans le pays profond, sont obligés d’échanger leurs fèves de cacao contre moins que le prix officiel du kilogramme de fèves annoncé par le Conseil café-cacao pour les achats bord champ. Qu’a fait le CCC pour sanctionner ces négociants et leurs intermédiaires. Rien de mémoires des producteurs qui voient ces mêmes intermédiaires remettre le couvert chaque année.
Le lundi 21 octobre dernier, réuni à Yamoussoukro, l’ANAPROCI et son président, Kanga Koffi, nonobstant l’accueil favorable du prix d’achat du kilogramme de fèves fixé à 1800f, ont déploré le non-respect de la promesse gouvernementale d’attribuer au moins 60 % du prix CAF international aux producteurs.
En effet, « depuis la réforme de 2012, qui a modifié le système de commercialisation du cacao, il a été convenu que dans le mécanisme de fixation des prix, un minimum de 60 % du prix CAF (Coût, Assurance, Fret) serait attribué aux producteurs. Aujourd’hui le CCC s’est plutôt aligné sur un schéma qui n’a pas de base concrète, et qui prend en compte les prix du Ghana. Nous estimons que cette démarche viole les règles établies et ne répond pas aux attentes des producteurs », dénonce le Président de l’ANAPROCI.
Même en s’alignant sur le Ghana, a-t-il poursuivi, « le prix est de 1 823 francs, soit 23 francs de plus que chez nous. Avec une production de 2 millions de tonnes, cela représente une différence de 46 milliards de francs en faveur des producteurs ghanéens que les producteurs perdent en Côte d’Ivoire. Nous restons donc derrière le Ghana en termes de prix et de revenus »
Alors que « nous espérions que le prix aux producteurs serait d’au moins 3 500 à 4 000 francs CFA par kilogramme. Vu que d’autres pays producteurs ont fixé des prix allant de 3 500 à 5 200 francs le kilogramme ».
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Aussi l’ANOPROCI et son Président disent « ne pas réclamer de faveurs, mais une rétribution juste pour notre labeur ». Avant d’appeler « à l’adoption d’une loi qui garantirait une transparence durable dans la fixation des prix ». Surtout que « le modèle économique actuel, après plus de 14 ans d’application, n’offre aux producteurs qu’une maigre part de 5 % du gain de l’économie globale de la chaîne de valeur. Ce modèle n’est plus adapté aux réalités du terrain », a-t-il pesté.
Evoquant l’aide financière souhaitée pour des coopératives viables, le Président de l’ANAPROCI note que sur les 250 F sollicités, les coopératives disposeront désormais de 100 f CFA. Soit 20 F CFA ajoutés aux 80 F CFA de frais de gestion traditionnels. Toute chose qui maintiendra les coopératives dans une précarité dans le fonctionnement.
Par ailleurs, la mise en œuvre de la Couverture Maladie Universelle (CMU) est jugée inadéquate par les producteurs de café-cacao. L’ANAPROCI pointe du doigt l’absence de concertation et le manque d’infrastructures sanitaires dans les zones rurales, rendant ainsi l’accès aux soins difficile, voire irréalisable. « Comment parler de couverture sanitaire quand les infrastructures de base sont inexistantes dans les zones productrices ? », s’est interrogé M. Kanga.
A en croire l’ANAPROCI et son Président, Kanga koffi, les 12 milliards de francs CFA annuels alloués par le gouvernement pour la CMU ne suffisent pas à couvrir les besoins des 1 080 000 de producteurs déjà recensés et leurs familles. Pour l’ANAPROCI une révision de ce projet qui prendra en compte les spécificités des zones rurales et les besoins réels des agriculteurs sera la bienvenue. Encore que pour le rendre viable, il faudrait mobiliser environ 5 milliards de francs CFA par mois,
Malheureusement, ces défis qui touchent directement à la vie des producteurs ivoiriens, maillon indispensable de la filière Cacao, ne font pas l’objet de diligence au niveau de la direction du CCC.
A l’opposé, la vigilance et la diligence sont de rigueur. En effet aujourd’hui, le Conseil café-cacao (CCC), le gendarme ivoirien de la filière cacao, a décidé de renforcer son dispositif de contrôle et du respect du prix de vente des fèves. En cause les traders internationaux sont accusés, par les négociants nationaux, de surenchérir sur les prix d’achat du kilogramme de fèves. Et ce, sur plainte des négociants nationaux, proches du pouvoir RHDP. Une situation qui, disent-ils, fragilise les acteurs nationaux, qui pour beaucoup ne disposent pas de lignes de crédit bancaire pour débuter les achats de la saison. Le Prix barème étant de 1900 f CFA le kilogramme de fèves, certaines majors surpaieraient de plus de 20 à 35 francs CFA, dans les ports d’Abidjan et de San Pedro, fragilisant et excluant ainsi les négociants locaux, dont la majorité est réunie au sein du Groupement des négociants ivoiriens (GNI), présidé par Malick Tohé, a souligné Africa Intelligence dans sa livraison du 29 octobre 202924. Pis, « ces négociants locaux, très proches des cercles du pouvoir Présidentiel RHDP de Alassane Ouattara, qui n’ont pas pu honorer les 20 % de contrats qui leur sont alloués depuis la campagne 2023-2024, ne parviennent toujours pas à exécuter la totalité de leurs contrats face à la concurrence accrue des multinationales », note toujours Africa Intelligence. Le tout dans un contexte où la récolte cacaoyère, objet de la campagne en cours, subit une baisse de plus de 26 % et une contrebande incontrôlée aux frontières ouest du pays. Une contrebande due au faible prix d’achat aux producteurs.
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Hier, au lieu et place des pénalités que ces négociants locaux, proches du pouvoir RHDP, devraient payer faute de n’avoir pas exécuté les contrats sollicités (près de 140 000 tonnes), ceux-ci ont obtenu un sursis gracieux du CCC sur recommandation du Président Alassane Ouattara et son gouvernement.
Aujourd’hui, et parce que les traders internationaux surpayent de 20 à 35 f le kilogramme de cacao, Papa vient d’être saisi et pour eux le CCC va faire diligence pour le contrôle des prix dans les ports ivoiriens en priorité.
Et dire qu’hier, eux sous-payaient bord champ le kilogramme de cacao sans que personne ne lève le petit doigt.
Aristide YAHAULT.