De son rapport à la direction du PDCI, des conditions de l’élection de Tidjane Thiam, son président, ainsi que de la gestion de celui-ci: tout y est passé. Dans cet entretien avec Mondafrpque.com, Jean Louis Billon parle de tout. Entretien.
Quel message voulez-vous envoyer à toutes ces personnes que vous rencontrez, vu qu’elles ne vous seront d’aucune utilité pour être élu candidat du PDCI à la présidentielle ?
Je ne pense pas qu’à l’investiture du parti. Je suis en pré-campagne et je m’intéresse à la vie que mènent les Ivoiriens. De toute façon, je n’ai jamais lâché le terrain. J’ai dû observer une pause en raison du décès du Président Bédié pour faire mon deuil comme les autres. Après, la vie politique a repris son cours. J’ai annoncé ma candidature depuis bien longtemps.
Depuis 2020…
Oui, officiellement mais c’est un projet que j’ai mûri bien plus longtemps. Donc, je poursuis ma route.
Vous vous préparez à une candidature indépendante ?
Je vous parle de ma candidature à la présidence de la République de Côte d’Ivoire
Mais en tant que candidat indépendant ?
Je suis PDCI. Donc mon parti politique peut avoir un président et un candidat, ce n’est pas antinomique.
Pas candidat à l’investiture ?
Non, je suis déjà candidat à la présidence de la République de Côte d’Ivoire, je le répète. Le problème est que le PDCI ne semble pas s’organiser pour bien préparer l’échéance présidentielle qui est devant nous. Ça fait dix mois que nous avons un nouveau président et en dix mois, il n’y a pas eu un seul bureau politique, ce qui est une première. Ensuite, on devait tenir un congrès du PDCI en octobre 2023. Il faut tenir ce congrès. D’ailleurs, nous sommes en retard de deux congrès. Si nous passons 2025, nous serons en retard de trois congrès. Ce n’est pas comme ça qu’un parti politique fonctionne. Donc, le congrès doit se tenir et après le congrès, la convention.
Comment peut-on faire face à un tel challenge sans avoir derrière soi un parti politique ?
Qui vous dit que je n’ai pas le parti derrière moi ? Tout le monde me connaît comme militant du PDCI.
Dans nos pays, le président du parti est généralement le candidat naturel à l’élection présidentielle
Ça n’existe pas les candidats naturels. Être candidat est avant tout un choix personnel avant d’être soutenu par les militants d’un parti. D’ailleurs pour l’instant, le président du PDCI n’a jamais dit qu’il était candidat ! Il ne l’a jamais dit. Moi je l’ai dit depuis bien longtemps
A votre avis, pourquoi tout le monde vous demande de faire front commun avec le président Thiam ?
Tout le monde ne me demande pas ça. Tout le monde ne me demande pas ça, certains proches de lui me le demandent, d’autres par contre me demandent de continuer.
Et les élus du PDCI, récemment ?
D’abord, c’était une discussion entre amis, ils n’étaient envoyés par personne. Certains d’entre eux demandent de continuer et d’autres voudraient que le Président Thiam et moi, nous nous mettions ensemble. Nous avons même plaisanté sur lequel des deux pourraient conduire le tandem. On a également échangé sur la situation du parti.
Comment pouvez-vous entraîner tout le PDCI en étant dans votre posture, qui plus est face à un président adoubé par le puissant lobby baoulé (Houphouët-Boigny et Bédié, les deux premiers présidents du parti et présidents de la République ivoirienne étaient Baoulés. Quant à Thiam, il bénéficie du soutien dudit groupe ethnique parce qu’il est l’arrière-petit neveu du premier président ivoirien, ndlr) ?
Le PDCI est un parti politique, pas un parti de Baoulés. Si chacun doit venir avec ses traditions, ça va être un problème et on ne sera plus un parti politique.
Pour vous, il faut détribaliser la vie politique ?
Nécessairement. Il faut détribaliser l’esprit politique de façon générale. Parce que ce n’est pas quelque chose qu’il faut prendre en compte dans les choix politiques. Aucun Ivoirien ne doit se sentir exclu du processus de développement.
Que dites-vous aux populations que vous rencontrez, vous étiez récemment dans un marché ?
Au marché, je n’étais pas en campagne. Je voulais faire un exercice précis qui est de savoir comment avec 3.000 Fcfa, (4,5 euros) on peut nourrir une famille de quatre personnes. Ce fut un exercice compliqué. J’ai vu à quel point la vie est chère en Côte d’Ivoire et comment les Ivoiriens doivent jongler pour se nourrir. Surtout, dans une famille dont le chef est payé au smig qui est de 75.000 Fcfa (114,5 euros). Comment peut-il se loger, se nourrir et se vêtir ? C’est impossible : Il faut que monsieur et madame travaillent pour nourrir et éduquer les enfants.
Et quelles ont été les conclusions de l’exercice ?
Je les garde pour moi-même. Ça va me permettre d’aller au-devant des problématiques ivoiriennes et d’affiner mon projet de société. Car les vrais sujets sont ce qu’on propose concrètement en matière de sécurité, de santé et en termes d’éducation, d’emploi, de transport public de qualité…
Un ancien ministre proche de Laurent Gbagbo vient justement d’être arrêté pour avoir protesté contre la cherté de la vie. Il est accusé d’avoir participé, entre autres, à une marche interdite.
A partir du moment où il organise une marche sans autorisation, il se met lui-même dans l’illégalité puisque les manifestations sont réglementées. Je suppose qu’il va rapidement être libéré parce que la liberté de manifester existe.
Quelles sont vos relations avec Tidjane Thiam, le président du PDCI ?
Nos relations sont correctes, c’est le président du PDCI.
Mais vous ne vouliez pas travailler avec lui ? Pourquoi avez-vous démissionné de votre poste de secrétaire exécutif en charge du secteur privé ?
Parce que j’étais déjà démissionnaire et j’ai été reconduit au poste de secrétaire exécutif sans qu’on ne demande mon avis. Par ailleurs, il est normal qu’il y ait une rotation et que d’autres compétences participent au secrétariat exécutif.
N’était-ce pas pour avoir la liberté que vous avez aujourd’hui ?
J’ai toujours été un homme livre et ma liberté n’est pas négociable. Je peux être à toutes les instances du parti que vous voulez mais cela ne m’empêche pas d’être libre.
Ou bien, pour protester contre l’opacité qui aurait prévalu lors de l’organisation du congrès extraordinaire ?
Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. J’avais dit qu’il y avait eu trop d’opacité dans la façon dont le congrès extraordinaire avait été mené et d’ailleurs, le doyen Moïse Koumoué Koffi en retirant sa candidature, avait dénoncé la manière dont ça s’est passé. Mais, c’est déjà fait, donc on avance.
Est-ce que le fait que le président du parti soit plus à l’extérieur et moins en Côte d’Ivoire relève également de ce problème de gestion dont vous parlez ?
C’est à l’ensemble des militants de juger. Moi, je vous ai dit qu’il faut un bureau politique, ensuite tenir le 13è congrès qui fera le bilan des activités du Parti depuis le 12è congrès. Ce 13è congrès fera également l’objet de débats et dégagera des perspectives.
Mais je pense que je peux mieux faire que Ouattara. Pour faire l’analogie avec le sport automobile, nous avons une formule 2, je peux en faire une formule 1. Pour ceux qui ne connaissent pas le sport automobile, je prends un autre exemple en disant que nous sommes en 2è division et je compte nous conduire à la Ligue des Champions.
Vous serez donc candidat contre Alassane Ouattara. Que pensez-vous de son bilan économique ?
Le président Ouattara a un bilan respectable. Nous-mêmes du PDCI avons notre part dans ce succès. On ne s’est juste pas entendus par la suite. Mais je pense que je peux mieux faire. Pour faire l’analogie avec le sport automobile, nous avons une formule 2, je peux en faire une formule 1. Pour ceux qui ne connaissent pas le sport automobile, je prends un autre exemple en disant que nous sommes en 2è division et je compte nous conduire à la Ligue des Champions.
Vous aviez dit : avec eux au moins, on sait où va l’argent des impôts
Oui, je l’ai dit. On le voit : de nombreuses infrastructures ont été construites
Cela a également servi de prétexte à d’importants détournements de fonds ?
Mais là, il s’agit de la question de la gouvernance. Et j’ai toujours dénoncé la corruption et la mauvaise gouvernance d’où qu’elles viennent. Car l’impunité est dommageable. Toutes les crises que nous avons connues en Côte d’Ivoire sont d’ailleurs dues en grande partie à ces fléaux.
Nous sommes à un an de l’élection présidentielle. Craignez-vous que le pays bascule à nouveau dans la violence, les acteurs politiques n’arrivant pas à s’entendre ni sur les conditions de la révision de la liste électorale ni sur la CEI, la commission électorale indépendante ?
Je ne crains pas de violences en particulier parce que je ne suis pas sûr que les Ivoiriens vont encore suivre les hommes politiques qui les appellent à la violence. Beaucoup d’Ivoiriens se sont battus pour des acteurs politiques et, à la fin, qu’est-ce que cela leur a apporté ? Ce que nous voulons tous, c’est sortir de la crise pour vivre dans la quiétude et pouvoir nous réaliser.
Que pensez-vous de la question Gbagbo et sa non-inscription sur la liste électorale ?
Que ce soit pour Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et tous ceux qui sont pénalisés pour des questions politiques, il faut pouvoir les remettre sur la liste électorale dans un souci de réconciliation nationale et d’équité. Le président Gbagbo a fait dix ans de prison, ce n’est pas rien et il a été acquitté. Ne serait-ce que pour ça, il doit être intégré dans ses droits.
Doit-il être candidat ?
C’est son droit. Cela dit, je préfère que tous les anciens ne soient pas candidats et qu’ils laissent la place à la nouvelle génération. C’est mon point de vue.
En Côte d’Ivoire, les candidats ont l’habitude de parler de leurs carnets d’adresses et d’afficher leurs relations avec les occidentaux. Vous, quels sont vos atouts ? Votre profil de riche homme d’affaires ?
J’ai aussi un carnet d’adresses fourni et des relations, dans le cadre de mon entreprise familiale, des partenaires d’affaires qui sont d’Asie, d’Europe et d’Amérique mais ce n’est pas le carnet d’adresses qui gère la Côte d’Ivoire. C’est d’ailleurs surprenant qu’on pense que c’est un atout. Pour une entreprise, oui. En revanche, je le répète, le développement d’un pays se fait par les nationaux et pour les nationaux.